Bouillabaisse
Turfu

Guillaume Letestu

Pêcheur aux petits métiers à Cassis

Depuis le quai j’appelle Guillaume, il est occupé à discuter, il me fait signe de le rejoindre. Je saute sur le pont de son bateau amarré. La casquette vissée, un grand sourire posé sur une vareuse aux couleurs acidulées, Guillaume discute en démaillant des petits poissons de roche. Ce jour-là, une personne qui travail pour l’Ifremer le questionne sur les poissons qu’il a pêchés dernièrement. La conversation est amicale, ils se connaissent depuis longtemps. En attendant mon tour, je les écoute en m’initiant au démaillage des poissons. 

Depuis maintenant plus de dix ans, Guillaume pose ses filets dans le pays de son enfance.

Arrivé par la mer à l’âge de cinq ans avec ses parents, ils débarquent de leur voilier famillial après de multiples voyages et se calent à Cassis dans ce port provençal, de l’autre côté des calanques de Marseille.

A la fin de l’adolescence il quitte son port d’attache et part à Paris pour rejoindre la scène rock alternative des années 90. Il participe à l’effervescence du mouvement rock indépendants, la Mano Negra, les Satellites, les Négresses vertes, les Casse-pieds… Dans les rues pavées de Ménilmontant, ils définiront le son d’une époque et un esprit de liberté.

Après la vie sur la route, il décide de revenir au pays et de se former aux métiers de la pêche. Il apprend le métier en embarquant avec Jamal, le premier prud’homme de Cassis.

Aujourd’hui l’ancien rockeur devenu pêcheur continue de faire vivre cette pensée alternative dans sa pratique de la pêche locale aux petits métiers et dans sa vision du monde.

Dans les canyons profonds des calanques de Cassis, Guillaume part tous les jours aux petits matins  déposer des filets de différentes mailles.

La variété des espèces en vente sur le quai reflète la diversité de ses techniques.

Ce jour-là au début du mois de mai on trouvait dans le bac installé devant son bateau des poissons de roche, des murènes, des baudroies, des merlans… une pêche locale qui dépend des saisons, de la température de l’eau, de la lune, des courants, des vents… mais aussi de sa technique, de son intuition et de la chance parfois.

Son revendeur derrière son bac bleu  attire les clients, les badauds, les curieux et les touristes déjà nombreux sur le quai et les terrasses des bars de Cassis… Il a suspendu la murène d’environ deux kilos par le cou grâce une corde fixée à un poteau  et incise de façon circulaire son couteau entre la peau et la chair juste après la tête. Avec soin il tire la peau vers le bas et dépouille la bête de son bel apparat. La peau graphique de la murène, qu’on appelle parfois Louis Vuitton sur les quais de Marseille, visqueuse, est peu appréciée en France alors que grillée et caramélisée sur les braises, elle est fortement recherchée au Japon. Comme le congre, la tête et la queue pleines de petites arêtes peuvent rejoindre les poissons de roche au fond de la casserole pour donner du goût et du liant à la soupe.

Guillaume a toujours envie de faire bouger les choses. Il ne se résoud pas à ce que l’on  retrouve dans la mer les sacs plastique qu’il aurait donné lui-même à ses clients. Quelles seraient les alternatives aux sacs plastique pour la vente des poissons, quels contenants lavables et réutilisables ?

Avec sa compagne, ils réfléchissent ensemble à ce problème. Ils envisagent un projet de  réutilisation de bâche publicitaire qui serait confectionné par des prisonniers  Italiens en réinsertion. On se propose de se revoir autour d’un repas pour discuter avec des artistes, des designers d’une alternative aux sacs plastique pour la vente des poissons…

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